Les bienfaits de Préfailles : sa source ferrugineuse et son « bon air »

Au milieu du 19ème siècle, une quinzaine d’habitations sont recensées à Préfailles, principalement dans trois secteurs : au Bois Roux, dans le Haut de Préfailles et à Quirouard (proche de la source), à l’amorce des vallons :

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : PLU 2015 de la commune de Préfailles avec un fond de plan: www.geoportail.fr

La saison des eaux commençait avec les beaux jours de mai ou de juin et finissait en septembre. Les programmes des cures ressemblaient  à ceux pratiqués aujourd’hui pour une bonne remise en forme. Ils combinaient à la fois de la marche vers la Source (pour en boire), du repos, des repas légers et des bains de  mer. Cette méthode a même été poétisée par le Docteur Guépin, pour lui donner un caractère plus « joyeux » pour son époque :

  • Le matin tu te lèveras
  • à sept heures ou même avant,
  • Pour la source tu partiras
  • Et boiras deux fois seulement,
  • A dix heures déjeuneras
  • Bois de l’eau de source en mangeant.
  • A trois heures te baigneras
  • Et prendras bien garde au courant.
  • A cinq heures tu dîneras;
  • A sept heures pédestrement
  • A la source retourneras
  • Et verras un coup d’oeil charmant,
  • Dans les salons tu trouveras
  • Au retour plus qu’un agrément,
  • Enfin, lasse, tu dormiras
  • Et rêveras … probablement.

Le Docteur GUEPIN ajoute que « les coups de vagues » et le « choc de la mer » pouvaient être utiles et qu’il fallait se contenter de repas légers: « Peu de féculents, ils donnent au sang beaucoup de sucre ».

Il est indéniable que la source ferrugineuse ait été au 19ème siècle, le moteur du développement et de la transformation de ce petit territoire isolé qu’était le village ou hameau de Préfailles. Le bon air et l’exposition sud de cette côte, constituaient un environnement favorable pour la pratique de cures. C’était aussi la préfiguration de périodes de vacances et de détente nécessaires à une société en pleine mutation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Préfailles n’était pas un village ordinaire en 1842. C’était un « commun » qui appartenait à 23 propriétaires qui exploitaient des « prés faillis », c’est-à-dire des mauvais prés.

Après la révolution française, une loi du 28 août 1792 « … eût pour but de changer le droit d’usage en un droit de propriété…. ». Ainsi les terres vaines et vagues de Préfailles devinrent la copropriété indivise de ses habitants d’alors. Cette indivision perdurera jusqu’en 1844. Le partage des communs résultera d’une action introduite devant le tribunal de Paimboeuf le 20 juillet 1844, par une partie des copropriétaires qui souhaitaient sortir de l’indivision. Le 24 janvier 1845 le tribunal rendra un premier jugement, ordonnant le partage en nature des « communs », dits communs de Préfailles, par lots égaux ; un lot devant être attribué à chaque « feu » (un feu correspondant à un foyer).

Il fut aussi décidé que sur la partie des communs, située entre le village et la mer, il serait laissé un terrain vague, pour être planté et servir de promenade, afin d’attirer davantage les « étrangers ». Il s’agit de l’actuelle descente vers la grande Plage, du Plateau de la Chapelle et de l’ancien terrain du casino

La mise en place de cordes et de cabines sur la grande plage de Préfailles daterait de 1843, ce qui montre la vigueur du développement que commençaient à apporter ces curistes au village et de l’engouement pour les bains de mer

Quelles sont les propriétés réelles de l’eau de la source de Préfailles ?

Il semble que pour un litre d’eau de la source de Préfailles, il y ait (source Maurice Legault) :

  • Acide carbonique  0,035
  • Fer 0,013 (soit 13 mg)
  • Arsenic 0,0001
  • Matières huileuses 0,007

Les auteurs scientifiques de l’ouvrage « Apports nutritionnels conseillés pour la population française », du CNERNA-CNRS, indiquent que l’apport quotidien en fer est de 9 mg pour un homme adulte, de 16 mg pour une femme « réglée » et de 25 à 35 mg pour une femme enceinte. On voyait donc tout l’intérêt de consommer un litre d’eau de la source par jour, comme « complément alimentaire » en fer, surtout pour les femmes qui souhaitaient avoir des enfants.

Hippolyte-Marie Durand-Gasselin explique que 15 ans après sa première arrivée « peu solennelle » à Préfailles (en charrette à bœufs louée par ses parents. Il affirme qu’il n’y avait alors pas de route entre La Plaine et le petit village de Préfailles), en 1857 son père Hippolyte-Louis Durand-Gasselin, voyant que le séjour de Préfailles était bénéfique pour ses enfants, décida sa belle-sœur, Léonice Berthault, à acheter un terrain sur la côte sur la partie la plus avancée vers la mer, et d’y faire bâtir une maison qui accueillerait chaque été la famille.

Quel courage et audace l’architecte Hippolyte-Louis Durand-Gasselin fit preuve pour  construire en front de mer en 1858, les deux premières maisons mitoyennes : Ker Molly et Ker Dagnet ! Il est à noter qu’en travaillant avec son beau-frère, Yves Berthault à la fixation des dunes de la Baule et de Pornichet, pendant une dizaine d’années, il avait certainement acquis l’expérience nécessaire pour s’engager dans de tels projets ! A la même époque d’autres familles « étrangères » firent construire des maisons confortables à Préfailles, mais pas en bordure de mer !

La source étant la propriété de la commune de La Plaine, celle-ci cherchera dans la seconde moitié du 19ème siècle à en tirer profit. Au fil des ans, elle l’affermera à divers exploitants (voir affiche ci-dessous), mais qui avaient pour obligation de  toujours laisser un accès libre aux curistes.

Source : Maurice Legault

L’augmentation du nombre de curistes attisât de nombreuses tentatives d’exploitation de la source, mais qui au final, ne furent jamais rentables. Il faut savoir qu’à l’époque, il était préférable de boire l’eau de la source sur place, car elle se troublait très rapidement en raison  de sa forte teneur en fer.

Vers la fin du 19ème siècle, le nombre de curistes diminue. La commune de la Plaine confrontée à des problèmes de gestion, décide de vendre la source et la met aux enchères (voir la seconde affiche ci-dessus).

La « locomotive » du développement de la station balnéaire s’est essoufflée, au profit des autres bienfaits qu’apporte Préfailles, avec ses bains de mer, son air vivifiant et son caractère familial. Préfailles voit en effet dans la seconde moitié du 19ème siècle, s’installer plusieurs familles nombreuses, qui restent encore aujourd’hui très présentes et attachées à Préfailles.

En 1901, Hyppolyte-Marie Durand-Gasselin achète la source aux domaines pour la mettre généreusement et gratuitement à la disposition de tous : « riches et pauvres, baigneurs et habitants ». Il crée un escalier depuis la rampe pour accéder à la plage.

La même année, le 11 août, il louera la source pour 50 années à la commune de la Plaine moyennant 5 francs par an (Source : Maurice Legault).

« La commune prend la source dans l’état où elle se trouve : tout changement quelconque ne pourrait être fait que d’accord entre les deux parties. Monsieur Durand-Gasselin n’est responsable ni de la qualité, ni de la quantité de l’eau qui pourrait varier pendant la durée du bail … »

Suite à des divergences entre le village de Préfailles et la municipalité de la Plaine, Préfailles deviendra commune indépendante, le 13 février 1908. Hyppolyte-Marie Durand-Gasselin reconduira son contrat avec les nouvelles autorités.

En 1912, la commune signera un bail de 90 ans avec MM. Reverdy et Caillard pour exploiter et gazéifier l’eau ferrugineuse. Il en reste une très belle affiche :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1925, verra la fin de son exploitation.

En 1929, Albert Durand-Gasselin devient propriétaire de la source au décès de son père. Ses enfants,  Jacqueline et Robert Durand-Gasselin deviennent propriétaires à leur tour de la source au décès de leur père. Ils en feront don à la commune de Préfailles en 1935.

Depuis, le partage des terrains, l’urbanisation galopante et les nombreux travaux d’assainissement des eaux usées menés ces dernières années, le cours de la source a été dévié, ce qui explique qu’aujourd’hui, il ne reste plus qu’un mince filet d’eau, impropre à la consommation.

La source de Préfailles, élément du patrimoine de la commune, est aujourd’hui une belle  endormie, qu’il  faudrait  remettre en valeur, avec la méthode du Docteur Guépin, finalement très moderne : une activité physique : la marche vers la source bien sûr pour en boire un verre trois  fois par jour, la baignade, sans oublier tous les autres bienfaits que Préfailles apporte aux « étrangers »  devenus à présent des estivants mais aussi des résidents.

Henri Joussellin

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